
Voici le premier article de la “Rubrique Fourmi” tenue par Théophile. Partez à la découverte des fourmis…
Les fourmis sont ce qu’on appelle des hyménoptères eusociaux formant la famille des Formicidae.
Mais que veux dire tout cela ? Remontons un peu leurs arbre phylogénétique pour mieux comprendre ce qu’elles sont !
La phylogénie des fourmis
Embranchement : Arthropode
Les arthropodes sont des animaux caractérisés par leur corps segmenté, avec des segments souvent spécialisés, appelés métamères (on parle de métamérie hétéronome). Leur corps est recouvert d’une cuticule rigide, formant une sorte de carapace. Ils possèdent un exosquelette et des appendices articulés.
Cet embranchement comprend de nombreux groupes bien connus, comme :
- Les crustacés (crabes, crevettes, etc.)
- Les arachnides (araignées, scorpions, etc.)
- Les myriapodes (milles pattes, centipèdes, etc.)
- Et bien sûr, les Insectes !
Classe : Insecte
Les insectes ont un corps segmenté en trois parties : la tête, le thorax et l’abdomen. Ils possèdent une cuticule composée de chitine (molécule caractéristique qui lui donne sa structure rigide), percée de stigmates menant à un système respiratoire organisé en trachées. Ils sont également dotés de trois paires de pattes et, chez la plupart des espèces, d’une ou deux paires d’ailes.
Cette classe comprend une immense diversité, notamment :
- Les Lépidoptères (papillons)
- Les Orthoptères (criquets, sauterelles, grillons, etc.)
- Les Coléoptères (coccinelles, scarabés, etc.)
- Les Odonates (libellules)
- Et les Hyménoptères…
Ordre : Hymenoptère
Les Hyménoptères se caractérisent par deux paires d’ailes membraneuses avec comme particularité que les ailes antérieures sont plus grandes que les ailes postérieures. Ils présentent aussi ce que l’on appelle un dimorphisme génétique, c’est à dire que les mâles sont différents des femelles. En effet les mâles sont des individus haploïdes (issus d’œufs non fécondés, ils n’ont qu’un seul jeu de chromosomes), tandis que les femelles sont diploïdes. De plus ils ont un thorax très développé, notamment le second segment, aussi appelé le mésothorax, qui contient la musculature principale nécessaire au vol.
Cet ordre comprend des espèces très souvent sociales, comme les abeilles (Apidae), les guêpes (Vespidae), les frelons, et bien sûr, les fourmis.
Famille : Formicidé
Les fourmis sont des insectes strictement eusociaux , ce qui signifie qu’il n’existe pas d’espèces de fourmis solitaires, contrairement à certaines abeilles ou guêpes.
On recense actuellement environ 16 000 espèces décrites, mais les scientifiques estiment qu’il pourrait en exister entre 25 000 et 40 000 au total.
Grâce à leur incroyable organisation sociale, leur capacité d’adaptation et leur division du travail, les fourmis ont colonisé presque tous les milieux terrestres, à l’exception du Groenland, de l’Antarctique et de quelques îles océaniques isolées.
Les fourmis, en tant que hyménoptères apocrites (sous-ordre caractérisé par un étranglement entre le thorax et l’abdomen), ont un corps divisé en :
- Tête
- Thorax (ou mésosoma chez les fourmis)
- Pétiole (segment(s) étroit(s) reliant le thorax à l’abdomen)
- Gastre (ou abdomen proprement dit)
Ce découpage morphologique est lié à leur mode de vie et leur spécialisation au sein de la colonie.
Les fourmis, un groupe aux caractéristiques structurelles et comportementales très variées : introduction et exemple avec le polymorphisme de taille chez les ouvrières
La plupart des espèces de fourmis présentent un important polymorphisme intraspécifique, caractérisé par des différences morphologiques marquées entre individus appartenant à une même colonie, notamment entre la reine et les ouvrières. Cependant, chez certains genres tels que Camponotus et Atta, ce polymorphisme s’étend également aux ouvrières, qui se subdivisent en plusieurs castes morphologiquement et fonctionnellement distinctes. On distingue classiquement trois castes ouvrières :
- les majors , généralement spécialisées dans la défense et les tâches nécessitant une force importante ;
- les medias, polyvalentes ;
- les minors, de plus petite taille, affectées aux tâches délicates et à l’entretien du nid.
Chez les fourmis du genre Atta, connues pour leur agriculture fongique, cette répartition caste-fonction est particulièrement marquée comme le montre la photo ci-dessous. Les majors sont responsables de la découpe des fragments foliaires et, conjointement avec les medias, du transport de ces fragments jusqu’au nid. Les minors assurent quant à elles l’entretien des cultures fongiques en éliminant les débris et en entretenant le mycélium au sein des chambres de culture. Ces fourmis ne consomment pas directement les feuilles récoltées, mais se nourrissent du champignon symbiotique qu’elles cultivent sur ce substrat végétal.
Polymorphisme social chez Atta cephalotes avec à gauche 7 ouvrières qu’on peut repartir dans nos 3 castes et 2 reines à droite.
Ouvrière Atta des différentes castes en train de ramener des feuilles aux champignons et de l’entretenir
Chez Pheidole pallidula (voir photo ci-dessous), on observe un dimorphisme ouvrier bien marqué, avec deux castes distinctes : les majors et les minors. Les majors, reconnaissables à leur tête disproportionnée et fortement sclérifiée, jouent principalement un rôle de soldats. Elles assurent la défense du nid et des zones de collecte de nourriture. Les minors, plus petites et plus nombreuses, prennent en charge la majorité des tâches quotidiennes, notamment la recherche et le transport de nourriture, le soin du couvain et l’entretien du nid. L’alimentation de P. pallidula est omnivore et opportuniste. Les colonies exploitent principalement des ressources sucrées (fruits tombés, miellat produit par les pucerons et autres hémiptères ) ainsi que des proies animales, le plus souvent des petits invertébrés morts ou affaiblis.
Deux ouvrières et un major (au milieu) de Pheidole pallidula
Chez Messor barbarus (voir photo ci-dessous), les ouvrières se répartissent également en plusieurs castes, dont les majors, facilement reconnaissables à leur large tête rouge sombre, hypertrophiée pour abriter de puissants muscles mandibulaires. Contrairement à l’image classique du major-soldat défendant le nid, chez cette espèce granivore, les majors sont avant tout spécialisées dans le concassage des graines, ressource principale de la colonie. Le genre Messor est en effet connu pour pratiquer une forme primitive d’agriculture en élaborant un « pain de fourmis », mélange de graines broyées et de salive, qui sert de base alimentaire aux ouvrières et au couvain. Le nom même du genre, issu du latin messōris, signifie « moissonneur », en référence à leur comportement caractéristique de récolte de graines dans leur environnement. Fait intrigant , les majors de Messor barbarus, malgré leurs énormes mandibules, sont souvent décrits comme particulièrement timides et peu enclins à participer aux combats. Leur rôle est strictement axé sur la transformation des graines et l’entretien du grenier du nid. La défense est assurée par les ouvrières de taille intermédiaire et les minors en situation critique, démontrant que la spécialisation morphologique des castes majors ne détermine pas systématiquement une fonction guerrière.
Messor barbarus : 4 minor à droite, 2 majors reconnaissable par leurs grosse têtes rouges et 1 média en arrière plan
Ainsi, ces exemples de polymorphisme fonctionnel nous amènent, comme bien souvent en biologie, à une nouvelle question : qu’est-ce que les fourmis mangent réellement ? Entre les espèces qui cultivent un champignon, celles qui produisent un pain à base de graines, et d’autres qui exploitent des fruits ou des insectes trouvés sur leur chemin… le spectre alimentaire des fourmis est remarquablement diversifié.
Cette diversité alimentaire reflète en réalité l’extraordinaire capacité d’adaptation écologique des fourmis, qui a contribué à leur succès évolutif et à la forte diversification du groupe. Contrairement aux abeilles domestiques, dont le régime est essentiellement basé sur le nectar et le miel, ou aux termites, spécialisés dans la dégradation de matières végétales mortes, les fourmis présentent une plasticité alimentaire remarquable. Si la majorité des espèces sont omnivores opportunistes , consommant aussi bien des ressources végétales qu’animales en fonction des disponibilités, certaines se sont spécialisées dans des niches écologiques " très précises.
Comme vous le découvrirez à travers les pages de ce blog, il existe des exceptions et des variations à tous les niveaux : dans l’organisation sociale, dans les stratégies de défense, dans les modes de reproduction… et bien sûr, dans les régimes alimentaires. C’est précisément cette diversité qui rend les fourmis si fascinantes à observer et à étudier. Si ces quelques exemples vous ont surpris, attendez de découvrir l’incroyable diversité de stratégies qu’ont développé les fourmis au cours de leur évolution, qu’elles soient alimentaires, sociales, reproductives ou défensives, et bien d’autres encore, que nous explorerons ensemble dans la suite de ce blog.
À retenir
Voici un arbre simplifié de la classification phylogénétique des fourmis :